Médecin généraliste

Patrick Jadoulle, médecin généraliste

Sentinelle de l’environnement

Médecin généraliste.jpgCertaines expériences marquent pour longtemps ceux qui en sont les principaux acteurs.

C’est le cas de Patrick Jadoulle, médecin à la maison médicale du quartier de la Docherie à Machienne-au-Pont. Situé dans la banlieue de Charleroi, ce quartier autrefois ouvrier est aujourd’hui de plus en plus métissé et compte près de 6000 âmes. En 2006, interpellée par le réseau associatif local, la Wallonie décide de prendre le taureau par les cornes face à la présence de nombreux pics de pollution (quasiment un jour sur deux !) liés en bonne partie aux fumées des industries environnantes.

Toux, bronchites, asthme, maux de tête... Tel est le quotidien des habitants à la faveur des vents dominants. Même aux admissions aux urgences, le mal est sensible.

Les autorités décident de durcir les conditions d’exploitation des entreprises polluantes. Surtout, elles lancent un vaste plan d’information du public. « Tout le public, insiste Patrick Jadoulle. Tant les professionnels locaux de la santé et de l’action sociale - généralement très peu formés sur les problématiques de santé liées à l’environnement - que le grand public ».

Pour les premiers, des experts (par exemple un toxicologue spécialisé dans la pollution atmosphérique) sont invités à présenter leurs connaissances aux pharmaciens, infirmières, médecins… locaux… mais aussi aux assistantes sociales et aux aides familiales et ménagères. Celles-ci, en effet, connaissent à merveille les habitudes de vie des familles et sont directement concernées par la  gestion des polluants intérieurs : tabac, poussière, acariens, moisissures, fumées de combustibles, etc.

Parallèlement, une brochure sur la pollution et la santé est réalisée avec l’Asbl Espace Environnement et diffusée auprès d’un maximum de ménages avec les Espaces Citoyens (CPAS): d’où viennent les polluants ? Quels sont leurs effets sur la santé, particulièrement auprès des enfants ?  Comment chacun peut-il contribuer à les limiter, voire les éliminer ?

« L’information s’est progressivement diffusée dans tout le quartier, explique le Dr Jadoulle. Même si nous ne pouvons pas les quantifier, nous savons que ce plan de prévention a eu de multiples impacts positifs sur la santé des familles. Pour ma part, j’ai appris une foule de choses, comme mes collègues. Par exemple que les particules fines émises par la circulation ou les chauffages domestiques peuvent entraîner des problèmes cardiovasculaires, en plus des difficultés respiratoires ».

Aujourd’hui, une certaine forme de pollution chronique, liée au trafic automobile et au chauffage des habitations, reste présente. Mais les pics de pollution ont disparu et, surtout, une dynamique a été enclenchée. « La confiance de la population envers les professionnels de la santé a été renforcée. Les pouvoirs publics, qui ont joué le jeu (notamment via des subsides), nous considèrent également comme des interlocuteurs fiables. Bien sûr, ce genre de processus prend du temps et exige de l’énergie. Mais je suis convaincu que le médecin généraliste occupe une place privilégiée pour faire la charnière entre le « terrain », c’est-à-dire la population, et le politique. Idéalement situé, il a un rôle essentiel de sentinelle environnementale au profit de la santé ».