Programme d'action Environnement-Santé

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Résumé

En 2017, des analyses de sols du potager collectif le plus vaste de Wallonie (6 hectares) ont révélé une contamination importante en métaux et métalloïde tels que l’arsenic, le cadmium, le cuivre, le mercure, le molybdène, le plomb et le zinc.

En conséquence, le gouvernement wallon a financé, par l’intermédiaire du projet SANISOL, un biomonitoring destiné à déterminer l’imprégnation en métaux des jardiniers de ce potager appelé Coin de terre de Bressoux (CTB).

 

Analyse de la pertinence d’un biomonitoring ciblé pour les usagers du Coin de Terre de Bressoux et méthodologie envisagée.

En effet, ce site est probablement le potager collectif urbain le plus grand, le plus fréquenté et l’un des plus contaminé en métaux de Wallonie. Environ 300 familles, vivant principalement dans le quartier de Bressoux plutôt socio-économiquement défavorisé, exploitent des parcelles dont les sols ont de teneurs élevées en métaux (e.g. jusqu’à 900 mg/kg en Pb) et consomment les fruits et légumes qui y sont produits alors que plus d’un tiers d’entre eux ne sont pas conformes aux teneurs limites imposées par le règlement CE1881/2006. Les normes réglementaires relatives aux sols en Wallonie sont dépassées simultanément pour plusieurs métaux et pour la majorité voire la totalité des échantillons de sols. Des recommandations  consistant (1) en des mesures d’hygiène, (2) en des limitations relatives aux catégories/espèces de légumes cultivées et à la fréquentation du site par les enfants, ont été formulées dès juillet, puis précisées en novembre 2017. Toutefois, l’état d’imprégnation de la population est encore inconnu, alors même qu’il est nécessaire d’évaluer la pertinence des recommandations pour déterminer si elles suffisent à soustraire la population aux risques liés à la fréquentation du site et à la consommation des végétaux produits.

L’analyse présentée ici avance les éléments motivant la réalisation du biomonitoring ciblé sur les utilisateurs des coins de Terre de Bressoux, ses objectifs, les biomarqueurs retenus et la méthodologie poursuivie. 

 

Réalisation de la première campagne de biomonitoring et du biomonitoring contrôle

Durant l’été 2018, une première campagne a permis de recruter 93 volontaires (88 adultes et 5 enfants). Pour être inclus dans l’étude, les participants devaient être des adultes ou enfants qui avaient consommé des fruits et légumes du CTB et/ou qui fréquentaient le CTB. Ils étaient par ailleurs invités à donner un échantillon de sang et d’urine, à donner une mèche de cheveux et à répondre à un questionnaire. Sur les 93 volontaires, 93 échantillons d’urine ont pu être collecté ainsi que 85 échantillons de sang et 35 mèches de cheveux. Aussi, 91 questionnaires ont été complétés dans leur intégralité. Les biomarqueurs les plus pertinents en termes d’effet sur la santé ont été mesurés. Il s’agit du plomb dans le sang (PbS), du cadmium dans l’urine (CdU) et de l’arsenic spécié dans l’urine : As(III) et As(V) + acide monométhylarsonique (MMA) + acide diméthylarsinique (DMA).

Les résultats d’analyse ont été comparés à trois valeurs de référence : (1) des valeurs limites biologiques d’exposition, (2) des données issues d’études de biomonitoring menées en population générale et (3) des données de biomonitoring collectées dans le cadre d’études de cas (personnes exposées et non exposées à des sols contaminés). Les comparaisons ont montré une imprégnation élevée en cadmium (P50 du CTB = 1.23 µg/L > P95 belge =  1.06 µg/L, français = 0.95 µg/L et allemand = 0.96 µg/L) et en arsenic spécié (P75 CTB = 10.5 µg/g.créa > population française = 9.17 µg/g.créa). Elles ont également mis en évidence une imprégnation en plomb (P50 PbS = 23.1 µg/L) similaire aux résultats de biomonitoring réalisés en populations générales. Les concentrations élevées en CdU, en AsspécU et, dans une moindre mesure, en PbS retrouvées chez les 93 participants du biomonitoring suggéraient un risque non négligeable pour la fonction rénale, le cadmium et le plomb ayant comme organe cible le rein.

Suite à ces résultats, le gouvernement wallon a financé une nouvelle campagne de biomonitoring à destination des 93 volontaires de la première campagne dans le but de confirmer les résultats. Sur le mois de mars 2019, 60 personnes ont à nouveau participé au biomonitoring (55 adultes et 5 enfants) pour un total de 60 échantillons d’urine ainsi que 55 échantillons de sang collectés et 60 questionnaires complétés (les cheveux n’étaient plus prélevés durant cette campagne).

Les résultats de cette deuxième ont montré des tendances différentes selon les biomarqueurs. Une réduction significative des imprégnations a pu été démontrée pour le CdU (P50 2018 = 1.20 µg/L vs P50 2019 = 0.64 µg/L; p=0.006), le CdS (P50 2018 = 0.75 µg/L vs P50 2019 = 0.55 µg/L; p=0.042), le PbS (P50 2018 = 23.3 µg/L vs P50 2019 = 21.4 µg/L; p=0.042), le PbU (P50 2018 = 1.75 µg/g.créa vs P50 2019 = 1.43 µg/ g.créa; p=0.006), le CuU (P50 2018 = 8.29 µg/g.créa vs P50 2019 = 3.52 µg/ g.créa; p<0.001) et l’AsspécU (P50 2018 = 7.61 µg/g.créa vs P50 2019 = 5.52 µg/ g.créa; p=0). A l’inverse, aucune réduction significative n’a été mise en évidence pour le ZnU (P50 2018 = 295 µg/g.créa vs P50 2019 = 286 µg/ g.créa; p=0.339) et le MoU (P50 2018 = 39.7 µg/g.créa vs P50 2019 = 36.0 µg/ g.créa; p=0.339).

Cette réduction générale des imprégnations suggère une exposition moins importante en hiver qu’en été chez les personnes liées au Coin de terre, particulièrement pour le cadmium et le cuivre. Toutefois, pour investiguer davantage la piste du CTB comme source d’exposition et d’explication de certaines imprégnations, il est nécessaire d’attendre les données issues d’un biomonitoring témoin, ciblant des personnes résidant à Bressoux mais n’ayant aucun lien avec le CTB.

 

Confrontation des données d’imprégnation (campagne 2018) aux évaluations des risques sanitaires pour la population du Coin de Terre de Bressoux

L’objectif de cette réflexion, réalisée à la demande de l’administration dans le cadre de la subvention SANISOL, est de confronter (1) les résultats des évaluations de risques sanitaires (ERS) aux (2) données acquises dans le cadre du biomonitoring (mesures des imprégnations et analyses des facteurs explicatifs).  Les premières ambitionnent de d’estimer les doses d’exposition externes dues aux apports en métaux liés uniquement à la pratique du jardinage et à la consommation des légumes produits. Les secondes évaluent l’exposition interne (l’imprégnation) de manière globale, sans distinction entre les différentes sources environnementales possibles (tabagisme, alimentation (notamment consommation de poissons, de riz), l’exposition aux peintures et aux canalisations en Pb, etc).

Le premier évalue donc une dose et, par comparaison à des valeurs toxicologiques de référence, un risque sur la santé en provenance d’une source unique. L’autre est une mesure qui intègre toutes les sources environnementales, ainsi que tout l’historique individuel d’exposition (en particulier pour des métaux cumulatifs tels que le Cd et le Pb).      

L’analyse réalisée montre que le modèle SANISOL produit des ERS de l’ordre de celles réalisées précédemment (la quantification du risque par les modèles est proche). Si l’absence de risque pour les métaux tels que Cu, Zn, Mo est cohérente avec les imprégnations mesurées de l’ordre des moyennes en population générales, il est difficile d’établir si les risques liés à l’As et au Pb prédits par le(s) modèle(s) sont cohérents ou prédisent les imprégnations mesurées, élevées à très élevées dans la population d’étude. A l’inverse, pour le Cd, les imprégnations très élevées mesurées dans la population d’étude ne sont pas associées à un risque inacceptable (IR>1) pour les ERS. Pour cette raison, nous appuyons la nécessité d’intégrer dans me modèle SANISOL un seuil d’acceptabilité inférieur par au moins un ordre de grandeur.

La confrontation des ERS réalisées  (approches simplifiées et détaillées) aux conclusions issues de la campagne de biomonitoring conduite durant l’été 2018 est nécessaire et intéressante, mais intrinsèquement très difficile à réaliser. Etablir ce lien est encore plus difficile dès lors qu’il a été précédemment démontré que l’imprégnation de la population de Bressoux est multisource et mutifactorielle.

 

Réalisation du biomonitoring témoin et comparaison avec les premières campagnes de biomonitoring

Le biomonitoring Témoin a conduit en été 2019 et avait pour objectif de déterminer si la population qui habite Bressoux mais qui ne bénéficie aucunement du CTB est moins imprégnée que la population de Bressoux qui en bénéficie. Une campagne de biomonitoring a donc été organisée avec l’objectif d’inclure des résidents de la commune de Bressoux n’ayant aucun lien avec le CTB, ni en termes de fréquentation ni en termes de consommation de fruits et légumes qui y sont produits.

 

 

Délivrables :

- Analyse de la pertinence d’un biomonitoring ciblé pour les usagers du Coin de Terre de Bressoux et méthodologie envisagée

- Réalisation de la première campagne de biomonitoring et du biomonitoring contrôle

- Rapport biomonitoring SANISOL et correctif

- Rapport biomonitoring SANISOL Contrôle et correctif

- Confrontation des données d’imprégnation (campagne 2018) aux évaluations des risques sanitaires pour la population du Coin de Terre de Bressoux

- Réalisation du biomonitoring témoin et comparaison avec le biomonitoring SANISOL

- Brochure "Bressoux : analyse de l'exposition aux métaux lourds des habitants et recommandations"