Partie législative de l’étude : Résumé complet

L’étude des législations existantes dans le domaine de l’impact des champs électromagnétiques (CEM) à la lumière des connaissances scientifiques sur les effets de ces derniers sur la santé, l’environnement, la biodiversité et l’agriculture fait ressortir les éléments suivants :

Le rapport de l’ICNIRP (International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection ou, en français, Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants) de 2010 intitulé « Lignes directrices (LD) pour l’établissement de limites d’exposition aux champs électriques et magnétiques variables dans le temps (1 Hz à 100 kHz) » constitue la source principale des restrictions reprises par la plupart des législateurs. 

Les lignes directrices de l’'ICNIRP sont déterminées sur le fondement des effets aigus avérés à partir d'un certain seuil d'exposition : stimulation nerveuse et musculaire et phosphènes rétiniens. Concernant les effets chroniques, seul le développement de la leucémie infantile est suspecté être inductible par une exposition prolongée aux champs électromagnétique d’extrêmement basse fréquence (CEM-EBF), mais l'ICNIRP considère, en 2020 encore, que les études n'étaient pas suffisamment probantes et que : « si la causalité n'est pas établie, une réduction de l'exposition ne produira aucun bénéfice pour la santé ». 

L'ICNIRP indique les champs électriques internes à ne pas dépasser à l'intérieur du corps, les seuils qui s'y rapportent étant appelés « restrictions de base ». Afin d’en faciliter la mesure, l'ICNIRP propose des « niveaux de référence » qui correspondent aux seuils d'exposition à des champs électriques (CE) et à des champs magnétiques (CM) à ne pas dépasser pour respecter les restrictions de base correspondantes. 

Les valeurs seuils et niveaux de référence recommandés par l'ICNIRP sont indiqués ci-dessous. Ces valeurs doivent être considérées comme des valeurs instantanées (i). 

Restrictions de base :

  • Pour la population générale :
    • Tissus de la tête appartenant au SNC, fréquence 50-60 Hz : CEi = 0,02V/m
    • Tous les tissus autres de la tête et du corps, 50-60 Hz : CEi = 0,4 V/m

Niveaux de référence :

  • Pour la population générale, fréquence 50 Hz : 
    • Champ électrique : 5000 V/m 
    • Champ magnétique : 200 μT

Sur le fondement de ces recommandations, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a adopté en 2003 un manuel sur l’instauration d’un dialogue sur les risques dus aux champs électromagnétiques. Ce manuel insiste beaucoup sur la nécessité, pour les parties prenantes (autorités locales, industries et groupes de citoyens habitant à proximité de sources d’émission électromagnétique) d’instaurer un dialogue structuré permettant de déboucher sur des prises de décision comprises par tous. 

Les règles des Etats, étudiées dans le cadre de ce projet (Union européenne (UE) en tant que telle, 27 Etats Membres de l’UE, Royaume-Uni, Etats-Unis et Canada) se fondent pour la plupart (1), en vertu du principe de précaution, sur le seuil de 0,3-0,4 µT relatif à la leucémie infantile ainsi que (2) sur les recommandations formulées par les lignes directrices de l’ICNIRP (Champs électriques : 5000 V/m & Champs magnétiques : 200 µT) et (3) sur la nécessité d’instaurer un dialogue structuré entre les parties prenantes tel que préconisée par l’OMS. 

Une distinction peut toutefois être faite entre les Etats anglo-saxons ayant été étudiés (Royaume-Uni, Canada et Etats-Unis) et les Etats-Membres de l’UE. Ces premiers s’inspirent bien entendu du rapport de l’ICNIRP mais se fondent également sur les études d’autres organismes/institutions (tels que le Comité IEEE, « Institute of Electrical and Electronics Engineers » SCC28 pour les Etats-Unis). Les seconds, en revanche, reprennent pour la plupart à leur compte les recommandations de l’ICNIRP, dans la mesure où l’UE elle-même a adopté une recommandation dans ce sens (« Recommandation du Conseil de l’UE de 1999 relative à la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 GHz) »). De plus, les règles ou recommandations en vigueur dans les pays anglo-saxons sont en général moins restrictives que celles en vigueur dans l’UE dont les Etats sont tenus de respecter le principe de précaution. 

Concernant l’UE en tant que telle, une différence peut être établie entre (i) une minorité d’Etats-Membres dont aucune mesure de mise en œuvre n'a été adoptée concernant les restrictions de base (ex : Malte, Chypre, Danemark, Irlande, Lituanie, Suède) ; (ii) une majorité d’États-Membres qui ont adopté la recommandation du Conseil de l’UE et qui l’appliquent comme telle, soit sous forme de recommandations soit sous forme de règles contraignantes et (iii) certains Etats-Membres qui ont adopté des limites d'exposition plus strictes ou qui imposent des restrictions et niveaux de référence plus stricts dans certaines situations, en fonction de la vulnérabilité de certaines populations telles que les enfants et les personnes âgées (Croatie et Slovénie). Il faut également remarquer que certains Etats (tels que la Slovénie) ont adopté des règles visant à renforcer la communication vis-à-vis du public tandis que d’autres Etats (France, Suède, Irlande ou Canada) ont adopté des règles de contrôles périodiques. 

On remarque que les règles existantes visent avant tout, dans leur grande majorité, à protéger la santé de la population. Les préoccupations liées à l’impact des CEM sur l’environnement apparaissent secondaires. En ce qui concerne l’impact des CEM sur la biodiversité et l’agriculture, les études scientifiques menées à ce sujet n’ont jusqu’ici pas trouvé de concrétisation réglementaire, à l’exception d’un début de jurisprudence qui se dessine en France, dans laquelle un juge a reconnu le droit à un agriculteur d’être indemnisé pour le préjudice résultant de l’impact de CEM sur la qualité du lait de ses vaches. 

Il est par ailleurs à remarquer que, depuis l’adoption de règles visant à protéger le public de l’impact des CEM sur la santé, les juges de différents Etats-Membres de l’UE ont eu à se prononcer sur une série de recours à l’issue desquels ils ont eu l’occasion de valider les règles existantes. Il est intéressant de constater qu’il existe une certaine homogénéité des jugements rendus dans de tels contextes, indépendamment du fait que les règles de droit constitutionnel et de droit civil applicables puissent être différents entre les Etats-Membres concernés. 

Sur le plan du droit constitutionnel, les cours suprêmes italienne et espagnole ont confirmé la compétence de l’Etat central au détriment de celle des Régions pour l’adoption de règles visant à protéger la santé de la population des CEM. Ce problème de compétence ne semble pas se poser pour la Belgique, pays plus décentralisé et dont la région flamande a déjà agi dans le domaine de l’impact des CEM sur la santé de la population. 

Sur le plan du droit civil, les tribunaux de différents Etats-Membres étudiés (Belgique, Espagne, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas) qui ont eu à connaître des recours intentés par des citoyens contre l’installation de lignes à haute ou très haute tension ont, depuis l’adoption de la Recommandation du Conseil de l’UE de 1999 relative à la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques, rendu des décisions similaires. Dans tous ces jugements étudiés, les juges se sont fondés sur cette recommandation ainsi que sur le principe de précaution développé par la Cour de Justice de l’UE pour valider les règles existantes et pour rejeter les recours qui visaient soit à l’annulation d’une autorisation pour construire une ligne haute tension (Luxembourg) ; soit à l’annulation d’une décision du gouvernement qui avait adopté un plan d'intégration prévoyant la construction d'une nouvelle ligne électrique (Pays-Bas) ; soit à l’obtention d’une indemnité pour un préjudice prétendument causé par les CEM (Italie). Les synthèses de ces décisions de justice se trouvent dans les annexes de ce rapport.