Rapport du CSI PFAS

 

Mise en place du CSI

En novembre 2023, le Gouvernement wallon a créé un groupe d’experts indépendants, appelé Conseil Scientifique Indépendant (CSI). Ce groupe réunissait des spécialistes issus de plusieurs domaines : toxicologues, chimistes, biologistes, psychologue, etc. Sa mission était d’aider le Gouvernement wallon à mieux comprendre un problème important : la pollution généralisée par des substances chimiques appelées PFAS. Le CSI devait ainsi déterminer les risques pour la santé des habitants et conseiller le Gouvernement sur les actions à prendre.

 

Thématiques investiguées par le CSI

1.    Contamination de l’environnement 

Les PFAS se retrouvent dans tous les compartiments de l’environnement (air, sols, eaux souterraines, eaux de surface), même dans des zones très éloignées comme l’Arctique ou des zones inhabitées.

Concernant les eaux de distribution en Wallonie : des concentrations alarmantes en PFAS ont été mesurées dans certaines zones (Chièvres, Nandrin, Ronquières, …), mais la situation est actuellement revenue à la normale suite au placement de filtres à charbon notamment.

En Wallonie, des analyses des eaux de surface ont montré que :

  • Toutes les eaux de surface testées contiennent des PFAS, même dans des zones naturelles comme les forêts ardennaises. 
  • La pollution est plus marquée au nord du sillon Sambre-et-Meuse, une région plus densément peuplée et plus active sur le plan industriel et agricole. 
  • À certains endroits, les taux en PFAS sont nettement plus élevés, atteignant plusieurs dizaines de nanogrammes par litre dans une quinzaine de points de mesure.

 

Des recherches récentes montrent que les PFAS ne se trouvent pas seulement dans l’eau ou les aliments, mais aussi dans l’air que nous respirons, à l’extérieur comme à l’intérieur, ainsi que dans les poussières présentes dans nos logements.
Dans certains cas, respirer ces poussières à l’intérieur des bâtiments serait la deuxième source d’exposition la plus importante aux PFAS, juste après l’alimentation et avant l’eau potable. De plus, le transport dans l’atmosphère des PFAS contribue à la contamination du sol, des eaux souterraines et des eaux de surface.

 

2.  Toxicité et normes des PFAS vis à vis des organismes aquatiques (algues, invertébrés et vertébrés)

Les algues :

Les PFAS peuvent nuire aux algues, qui sont à la base de la chaîne alimentaire aquatique. Ces substances chimiques perturbent leur capacité à assurer la photosynthèse (le processus par lequel elles produisent de l’oxygène en utilisant l’énergie du soleil, l’eau et le CO2) et ralentissent leur croissance.

Les algues ne sont pas les plus sensibles aux PFAS « historiques », par contre elles semblent être les organismes les plus « à risque » face à la présence de nouveaux types de PFAS, dits « émergents/alternatifs » dans les écosystèmes aquatiques.

Les invertébrés aquatiques : 

Les petits animaux comme certains insectes d’eau douce ou les crustacés (par exemple les daphnies) sont très sensibles aux PFAS.

A priori, les PFAS les plus fréquemment détectés en Wallonie (durant la période 2019-2023) ne sont pas sujets à la bioamplification [processus par lequel la concentration d'une substance persistante, souvent un polluant, augmente au fur et à mesure que l'on progresse dans la chaine alimentaire] chez les organismes aquatiques.

Les vertébrés aquatiques :

Les poissons absorbent les PFAS principalement par la voie digestive et par leurs branchies. Certains PFAS s’accumulent peu, d’autres beaucoup plus au sein des espèces. Les organes les plus touchés chez les poissons sont leur foie, leur sang et même leurs œufs, ce qui montre que les PFAS peuvent être transmis à la descendance. Les PFAS peuvent être éliminés par voie fécale, urinaire et branchiale, mais l’élimination varie fortement selon les composés.

La toxicité des PFAS varie selon les espèces de poissons, la durée et le type d’exposition. Les PFAS perturbent le système immunitaire, le système endocrinien, les fonctions hépatiques et rénales. L’exposition chronique, même à faibles doses, peut provoquer des malformations chez les embryons ainsi qu’une diminution de la fertilité et un retard de croissance chez les adultes. Ces effets peuvent entraîner une baisse de la biodiversité et déséquilibrer les chaînes alimentaires aquatiques.

Il est donc crucial de protéger l’environnement, pas uniquement pour les humains, mais pour tous les organismes qui y vivent.

 

3.    Toxicité humaine et normes dans le sérum humain

Les effets des PFAS sur la santé humaine ne sont pas totalement connus, mais certains sont déjà bien établis : atteinte du système immunitaire et troubles métaboliques (thyroïde, cholestérol) par un mécanisme de perturbation endocrinienne.

D’autres risques sur la santé humaine sont encore étudiés tels que les effets sur le poids de naissance, l’hypertension de grossesse, l’atteinte du foie, le cancer du sein, etc. Un PFAS particulier, le PFOA, est quant à lui classé cancérogène pour l’Homme (cancer du rein et des testicules). La même toxicité pour le PFOS est en évaluation.

Le CSI a retenu une combinaison de normes (valeurs-seuils santé), proposées par la commission HBM allemande et le comité des “National Academies of Sciences” américain.

Ces normes s’appliquent au PFOA et au PFOS individuellement, et à la somme de 7 PFAS, et définissent des seuils de contamination (plus d’infos dans le paragraphe « valeurs-seuils santé » PFAS - Portail Environnement-Santé).

Les normes biologiques sont établies selon les connaissances scientifiques actuelles, mais sont à réévaluer régulièrement en fonction des nouvelles connaissances éventuelles, pour assurer une protection maximale de la population.

 

4.    De la conception à la petite enfance et le cas des femmes allaitantes

La grossesse est une période où le corps est particulièrement sensible aux polluants. Les PFAS peuvent traverser le placenta et atteindre le bébé avant même sa naissance. Cela signifie que le futur enfant peut déjà être exposé à ces substances dans le ventre de sa mère.

L’exposition peut ensuite se poursuivre après la naissance, notamment :

  • Par l’allaitement, surtout dans le tout premier mois, où les concentrations de PFAS dans le lait maternel sont les plus élevées (notamment dans le colostrum, le tout premier lait).
  • Puis par l’alimentation solide, au fur et à mesure que l’enfant grandit.

 

Cependant, les bienfaits de l’allaitement maternel restent largement supérieurs aux risques potentiels liés à l’exposition aux PFAS, pour une durée d’allaitement habituelle de 6 mois, selon les connaissances scientifiques actuelles.

Chez certaines femmes, les PFAS pourraient aussi avoir pour conséquence :

  • Un temps plus long pour tomber enceinte ; 
  • Un retard dans le démarrage de la production de lait ;
  • Une durée d’allaitement plus courte.

 

5.    Impact sur la santé mentale

Même si on connaît encore peu les effets des PFAS sur la santé mentale, certaines études montrent que vivre dans une zone où l’on est potentiellement exposé à ces substances peut avoir un impact psychologique, en particulier à cause des incertitudes liées aux effets de ces polluants.

En effet, le fait de s’inquiéter pour sa santé ou celle de ses proches à cause de la pollution peut engendrer du stress, de l’anxiété ou un mal-être général. Plus ces inquiétudes sont fortes, plus elles peuvent affecter la santé mentale.

 

6.    Règlementations dans les denrées alimentaires et dans l’eau de distribution

Depuis 2023, l’Union européenne (UE) a fixé des limites maximales pour la présence de certains PFAS (PFOS, PFOA, PFHxS et PFNA et leur somme) dans plusieurs aliments d’origine animale : œufs, viandes et abats comestibles, produits de la mer (poissons, crustacés, coquillages). L’UE recommande aussi de surveiller la présence de PFAS dans d’autres aliments comme les fruits et légumes, les champignons sauvages, le lait et les aliments pour bébés.

À partir du 1er janvier 2026, pour garantir la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, chaque pays de l’UE devra appliquer l’un des deux seuils suivants :

  • 100 nanogrammes par litre (ng/L) pour la somme de 20 PFAS ciblés ;
  • Ou 500 ng/L pour l’ensemble des PFAS (« PFAS totaux »).

 

Chaque État membre peut choisir l’option qu’il préfère, voire adopter des règles plus strictes. En Wallonie, le seuil des 100 ng/L est appliqué depuis le 1er janvier 2025, soit un an plus tôt que ce qui est imposé par l’Europe.

A la date de parution de ce rapport, l’ensemble des zones de distribution d’eau (ZDE) en Wallonie respecte le seuil des 100 ng/L. Toutefois, certaines ont pu présenter dans le passé des dépassements de ce seuil ou présentent des niveaux sensibles (entre 10 et 90 ng/L), justifiant une surveillance renforcée. La limite réglementaire du seuil des 100 ng/L pour la somme de 20 PFAS reste insuffisante. Le CSI a proposé de quoi compléter nos outils de surveillance.

 

7.    Réflexion sur une norme pour le TFA dans l’eau potable

L’acide trifluoroacétique (TFA) est le plus petit des PFAS. Il est classé dans les PFAS à chaines très courtes, mais ne peut pas être apparenté aux PFAS à chaines longues.

Les sources potentielles de TFA identifiées sont multiples. Il est un sous-produit de la dégradation de certains produits chimiques, notamment les fluides réfrigérants (HFC) et d'autres composés fluorés. C’est également un produit de dégradation de certains pesticides. 

Une fois dans le corps humain, le TFA n’est pas transformé. Il est principalement éliminé par l’urine, et un peu par la bile. Il reste dans le corps pendant environ 25 à 32 heures.

Les effets sur la santé du TFA sont beaucoup moins bien étudiés que ceux des autres PFAS. D’après les connaissances actuelles, il semble peu nocif pour l’être humain. Les effets les plus critiques, observés chez le rat, concernent le foie, mais ces effets apparaissent à des doses très élevées et le mécanisme en cause ne semble pas s’appliquer aux humains.

Le CSI recommande de ne pas dépasser 2.200 ng/L de TFA dans l’eau potable si c’est le seul PFAS détecté. Cette valeur est une valeur guide, c’est-à-dire une référence pour surveiller la qualité de l’eau, mais elle ne remet pas en cause la potabilité de l’eau si elle est dépassée. En cas de dépassement, cela signifie qu’il faut :

  • Renforcer la surveillance ;
  • Identifier la source de contamination au TFA ;
  • Mettre en place des actions pour l’éliminer.

 

 

Que recommande le CSI ?
 

Pour les citoyens 

  • Limiter la consommation de poissons, crustacés, gibier 
  • Eviter la consommation des œufs domestiques dans les zones où la présence de PFAS est avérée
  • Eviter les contenants et emballages alimentaires jetables (cartons, gobelets, …)
  • Vérifier la qualité de l’eau de distribution
  • Utiliser des produits d’entretien simples (vinaigre blanc, bicarbonate de soude)
  • Eviter l’utilisation de fils dentaires enduits de PFAS, les produits (cosmétiques, vernis et autres articles ménagers) dont l’étiquette mentionne une composition contenant du PTFE ou « perfluor » et les ustensiles de cuisine avec revêtements antiadhésifs ainsi que les vêtements imperméables
  • Laver les vêtements neufs avant de les porter.

 

Pour les femmes en désir de grossesse, enceintes et allaitantes

  • Réduire son exposition aux PFAS en respectant au maximum les recommandations ci-dessus.
  • Pour les femmes enceintes ou en désir de grossesse : prendre de l’acide folique (0,4 mg/jour pendant minimum 8 semaines en préconceptionnel, puis complexe multivitaminique avec 0,4 mg/jour d'acide folique pendant toute la grossesse).
  • Pour les femmes allaitantes : boire de l’eau en bouteille en verre plutôt que l’eau de distribution si celle-ci est contaminée et ne pas modifier la durée de l’allaitement (6 mois au minimum (6 mois exclusif et ensuite mixte)).

 

Pour les autorités

Le CSI a proposé une liste d’actions pour une prévention globale de l’environnement, de la santé humaine contre les PFAS, ainsi que le maintien d’une structure scientifique afin de suivre les connaissances sur ces substances.

 

Découvrez l’entièreté du rapport du CSI ainsi que son résumé ci-dessous :